jeudi 30 mai 2013

Pensées.....

"L'altérité de la nature est affrontée et devient source de développement du moi. L'expérience sensible est à la fois une expérience externe - par le rapport au monde extérieur - et interne - par le développement du monde intérieur.
 L'une se nourrit de l'autre et entraîne en retour une ouverture vers l'altérité, qui fonde la possibilité du progrès de l'individu, en une spirale positive très gratifiante. Ce progrès se fait à une échelle humaine. L'absence de moyens mécaniques pour agir sur la nature resitue l'homme dans ses limites, les élargissant petit à petit."


"Il faut être très civilisé pour apprécier cette aberration, le choix volontaire de se priver du confort de la vie moderne. Il faut être revenu de beaucoup de choses, avoir épuisé beaucoup de plaisirs, pour goûter les délices de la fatigue, du froid, de la soif, de la peur, de la souffrance....

Mais c'est à ce prix Seulement que l'homme à l'âme terne, rassasié de bien-être et de sécurité, peut se sentir, à nouveau, exister. Par cette violence infligée à son corps, il vit, enfin, et oublie le doute misérable, ce doute qui le saisit en plaine, alors qu'il jouit de tous les perfectionnements de la technique : appartements chauffés, voitures rapides, lumière électrique, un bon fauteuil au cinéma....

Et parfois, ivre de joie et d'orgueil, exultant dans son être meurtri, il se sent devenir mystique et, comprenant le poète, il s'écrie avec Claudel : " Ma Douleur, cela du moins est à moi ! " - quoiqu'il serait plus juste de dire : Ma Douleur, cela du moins est moi.

Anne - Laure BOCH
L'euphorie des cimes. Petites considérations sur la montagne et le dépassement de soi.
Editions Transboréal



Polarsirkel !!

J38 - Mardi 28 Mai 2013   Gravvik - Sud de Sandnessjøen  147 km


La route me précède toujours malgré les illusions de la veille. Elle est là qui déroule patiemment son tapis de goudron. Je vois toujours, de loin en loin, le point qu'il me faut atteindre, puis l'autre, puis le suivant. Il y a toujours un suivant.




Le vent me tient toujours compagnie, tantôt avec, tantôt contre moi.
Il faut apprendre à l'accepter et ne pas vouloir lutter puisqu'il aura de toute façon le dernier mot. Tel un navigateur des mers, tirer des bords, hisser la grand'voile lorsqu'il pousse, regarder le sens des drapeaux qui flottent, baisser la tête lorsqu'il gronde.




Cette journée est marquée par le passage sur trois ferrys différents, et c'est tout un programme. Il faut pouvoir les attraper à temps. Sur cette portion de route côtière, les horaires sont calculées pour que les automobilistes puissent, sans se presser les enchaîner au mieux.
Je ne suis pas un automobiliste. 

Alors je me lance dans de savants calculs, prenant en compte plein de paramètres pour estimer à quelle heure je pourrais arriver sur le quai. Pour finalement me dire que la meilleure solution est de pédaler le plus vite possible, quitte à attendre si je suis en avance !

Après une succession de virages, c'est alors que je le vois, là au loin. De sa couleur blanche, il se détache clairement du reste du paysage.
Le ferry veut faire la course avec moi à priori. Très bien je suis joueur alors c'est parti !



Un coup à toi, un coup à moi, chacun essaye de grappiller du terrain sur l'autre. Quitte à le louper, autant avoir tout donné. Alors c'est un contre-la-montre de quelques kilomètres qui démarre. La journée peut s'en trouver décalée car il faut parfois attendre une heure pour le suivant. Et vu qu'aujourd'hui j'en ai trois, faites le calcul....
Quelle joie de voir la queue de voitures encore en train d'attendre lorsque le quai se profile à l'horizon, yes j'ai trois minutes d'avance ! Les 20 minutes de traversée feront office de repos salvateur.





La route est belle et suis la côte déchiquetée, un morceau de 17 kilomètres est d'ailleurs assez amusant. Bien que situé sur le continent il a un comportement insulaire puisque bordé d'une chaîne de montagnes à l'Est et de la mer à l'Ouest. Seule une bande de bitume entre les deux ferrys.....je roule seul.

Avant de prendre le dernier de la journée, qui part dans 20 minutes, je vois tout d'un coup le capitaine du bateau qui en sort avec sa canne à pêche. Le moteur du ferry tourne comme on le ferait pour aller poster une lettre, garé en double file.....

 1,2,3 poissons plus tard.....il remonte à bord, tout le monde embarque et on largue les amarres....







Je roule encore un peu, mon corps me porte tout seul, les jambes tournent sans que je m'en aperçoive...je finirais par trouver un camping sans personne vers 21h, près d'un petit aéroport, en face des "Seven sisters"" une chaîne de 7 sommets célèbres.
Encore une grosse journée kilométrique......



J39 - Mercredi 29 Mai 2013   Sud de Sandnessjøen - Kilbognhamn   142 km

Je n'arrive pas à dormir, malgré le fait que je mette un bandeau sur mes yeux. Mon rythme biologique est perturbé par cette journée qui ne finit jamais. Je me couche rarement avant minuit car il fait toujours grand jour et suis réveillé vers 4h30.....tant et si bien que ce matin c'est à 6h37 que je suis sur la route ! 
Le déficit de sommeil ne se fait pour le moment pas trop sentir, mais attention....

Ça souffle encore fort aujourd'hui...j'ai l'habitude je gère, même si c'est frustrant que de se dire qu'en l'ayant dans le dos je gagnerai 10 km/h...




La route est belle, je vais arrêter de me répéter, non par lassitude, mais par manque de superlatifs. C'est paisible, il y a peu de trafic, les gens pressés préférant prendre la E6.
Le soleil brille fort depuis 3 jours, c'est presque indécent. Les kilomètres passent, repassent...Et moi je trépasse. Peut-être le début d'une insolation je ne sais pas.
Mais les trente derniers kilomètres sont absolument interminables, je m'arrête tout le temps. D'autant que mes fesses, ou plutôt l'aine me fait de plus en plus mal au fil des jours à cause des frottements répétés. Et ce, malgré le cuissard. C'est vraiment un problème qui me tracasse car c'est très gênant, et il n'existe pas réellement de solution. Je n'ai que ça en tête.

Je me traîne, divague.....les kilomètres sont élastiques. 

"Asseyez vous auprès d'une jolie fille une heure et ça vous semble durer une minute. C'est ça la relativité" Albert Einstein


Pour moi ce sont ces satanés kilomètres qui n'en finissent pas, ce compteur qui semble bloqué, cette route qui monte toujours et ce vent qui ne tourne jamais.

Et puis je vais devoir éviter ces moutons au loin sur la route, ils ne se pousseraient pas en plus !! Eh eh, mais c'est pas des moutons...ce sont des rennes !! J'en crois pas mes yeux, ils sont apparus comme par magie, juste quelques centaines de mètres avant de voir "leur" panneau !
Ce sont mes premiers mais sûrement pas les derniers !






Les derniers kilomètres sont un pur régal pour mes yeux...




Comment c'est ton prénom ??



Je suis à quelques kilomètres au sud du Cercle polaire les amis, je vais le passer demain en bateau.
J'ai beaucoup roulé ces derniers jours. Trop ? Je ne sais pas. Je me suis enivré des kilomètres parcourus, les passés appelant les suivant. Dans un éternel recommencement...

Je ne sais pas si c'était la chose à faire mais quand je vois l'avancée sur la carte je me dis que du chemin a été fait. Certes il en reste encore, mais une belle partie est derrière moi.
Je mets le cap sur Bodø ces deux prochains jours, et je serai sur les îles Lofoten ce week-end si tout va bien

En fait c'est un peu de votre faute tout ça, j'avais dis que chaque commentaire équivalait 30 km.....donc stop arrêtez tout....ou plutôt non on va trouver un compromis, chaque contribution équivaut à 10 km désormais.

Bonne "nuit" les loulous,
Ju

mercredi 29 mai 2013

Il faut parfois chercher un peu...

J37 - Lundi 27 Mai 2013   Namsos - Gravvik  100 km

Je suis allé visiter le centre de jeunesse où bosse Valentin avant de prendre la route. C'était bien sympa, on a bu le café en compagnie de son superviseur, du directeur du centre et d'une autre étudiante, avant de repasser faire quelques courses. Il était 10h lorsque j'ai réellement posé mes fesses sur la selle.

Je tiens à remercier Valentin chaudement pour son accueil spontané. J'ai vraiment passé un bon moment. Bonne fin de SVE et on se voit dans les Alpes la prochaine fois ;-)


Il y avait un vent assez fort aujourd'hui, et au vu de la géographie des lieux, sa direction change sans cesse. L'impression d'être dans une machine à laver était bien réelle, ce qui est assez fatiguant. Ça brasse et ça sèche.
Les paysages de l'étape n'étaient pas grandioses, mais pas moches non plus. On ne peut pas dire que quelque chose de particulier se soit dégagé. Mais je le savais il s'agit d'une étape de transition avant de réellement aborder la route côtière 17.

Cette route est parsemée de nombreux ferrys...ici avant d'embarquer...


Première journée où j'ai un peu les jambes lourdes, vers 85/90 km j'ai envie de me poser, je recherche alors un lieu de bivouac pour le soir. Vu qu'il est relativement tôt, je fais l'exigeant. Il y a bien des endroits mais rien de bien extraordinaire...alors je continue, puis je repousse encore de 3/4 km...et encore....c'est à double tranchant...soit je trouve et c'est super soit je me fatigue pour rien au final...

Et je le vois. Là au loin. Il m'attend. Je l'ai repéré du haut de la route. On fait connaissance. On se plaît. Alors je reste.
J'ai trouvé mon spot idéal pour ce soir.


Au bord du fjord, en retrait de la route, orienté plein Ouest et à l'abri du vent sur un petit promontoire rocheux. J'aurai tout le loisir de voir le soleil finir sa course journalière, et par timidité sans doute, de le voir ne plonger que la pointe de ses rayons dans les eaux qui le reflète, avant de recommencer une nouvelle ascension.
Comme quoi, la persévérance a du bon....
Je m'endors avec le chant des mouettes.
Ju

 Le voyage pour moi, ce n'est pas arriver, c'est partir. C'est l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose, c'est demain, éternellement demain.
Roland Dorgelès

Un élan de sympathie !



J35 – Samedi 25 Mai 2013   Trondheim – Bergbygda  40 km

J’étais plutôt bien à Trondheim, il y faisait bon vivre. Du coup, je ne me suis pas pressé à préparer mes affaires pour repartir. Il a aussi fallu que je repasse chez Anne pour mettre en ligne les derniers articles du blog et checker mes mails.

Entre temps, tandis que je chargeais mon vélo sur le parking du centre, un gars vient vers moi et me salue en français. Tiens donc !! Et c’est parti pour 45 minutes de conversation avec Paul, un Savoyard exilé en Norvège pour le moment. Il y a fait une partie de ses études d’ingénieur en Erasmus et y revient depuis régulièrement. On a parlé de reblochon forcément, et apparemment les Norvégiens ne les laissent pas facilement passer la frontière lorsqu’ils arrivent par colis. 

Paul n’a pas vraiment envie de travailler en costard-cravate dans les bureaux de la Défense, et préfère pour le moment voyager, rencontrer de nouvelles personnes et dormir dans les forêts quand il le faut ;-) On s’est bien entendus et c’est dommage que je repartais, sinon nous aurions bien été boire un verre en ville avec ses copains. A la prochaine peut-être !



C’est donc vers 16h, après un dernier smoothie myrtille en compagnie d’Anne dans un bar super sympa de la ville que j’ai repris ma route vers la Nord, en prenant l’Express Boat vers Vannvikan.
Je tiens à remercier infiniment Anne qui m’a accueilli dans son centre et chez elle, et avec qui j’ai pu discuter de plein de choses, mais aussi découvrir certains aspects de la philosophie du yoga et certaines postures très impressionnantes. Merci à toi !

Comme toujours, il est un peu difficile de reprendre le vélo seul après. Ce samedi soir je n’ai donc roulé que 2h30 avant de me poser en bordure de forêt, sur un spot assez sympa qui surplombait le fjord. En fait, quelques kilomètres avant la route goudronnée principale s’est subitement arrêtée pour devenir une piste caillouteuse et bosselée, normal !!
Des crottes assez impressionnantes m’ont interpellé et j’apprendrai plus tard qu’il s’agit d’élans, très présents par ici.



J’ai pris le temps de savourer ce bivouac, même si la présence de mes premiers moustiques m’a un peu inquiété. Fort heureusement ils ne se sont jamais rapprochés, et aucune piqûre n’est à déclarer. Pourvu que ça dure !!

J36 – Dimanche 26 Mai 2013   Bergbygda – Namsos   142 km

Je suis réveillé à 4h30 ça en devient une habitude. Il est vraiment très difficile de pouvoir dormir même si j’ai bien essayé de calfeutrer la tente avec des sacs poubelles noirs, mais rien n’y fait le soleil répand sa luminosité dès le petit jour.

Je me remets donc en piste, c’est vraiment le mot car je vais avoir le droit à 2h de piste défoncée, plus digne d’une rando VTT. Heureusement que de vieux panneaux en bois indiquaient la direction du prochain « village », ce que je confirmais avec une vérification sur le GPS car c’était gtrès déroutant. 

Et pourtant cette « route » figurait sur ma carte routière. J’ai bien maudit le concepteur sur le coup je dois l’avouer. Bref il n’y avait absolument personne, la piste serpentant au milieu de la forêt et surtout il fallait rester vigilant en permanence. En effet les descentes étaient piégeuses car il fallait éviter les gros trous qui auraient pu endommager le vélo et les sacoches ainsi que les pierres.
Bref c’était assez épique !


Puis petit à petit la piste s’est durci avec de moins en moins de cailloux pour redevenir de l’asphalte. D’un coup j’ai eu l’impression de voler, quelle différence !



Il faisait très beau, les kilomètres défilaient pas trop mal et j’ai eu le plaisir de rencontrer Tone et Leif, eux aussi en vélo, ils allaient chez une amie. Tone (la femme) a absolument tenu à me parler en français tout le temps (elle l’avait étudié au lycée et elle est allée deux fois à Paris l’an passé où sa fille faisait des études).


C’était assez comique, car moi ne voulant pas l’embarrasser je lui répondais tantôt en français, tantôt en anglais ou encore par signe. J’ai donc eu les bonnes infos pour éviter le tunnel et j’ai aussi appris qu’un ours rôdait dans les parages depuis quelques temps. Ah ah sympa !!


J’ai donc passé Steinkjer, et pris la direction de Namsos. Il était assez tôt dans l’après-midi et déjà une bonne étape. Une petite aire de repos m’invite à une halte gastronomique pain + fromage. Je commence donc à regarder tranquillement un éventuel endroit où je pourrais me poser ce soir, tout en me disant que finalement, qui sait, peut-être qu’une rencontre arrivera et que mes plans tomberont à l’eau !

Et je vous promets, je n’avais pas roulé 5 minutes en repartant qu’une voiture s’arrête quelque peu après et me fait signe ! Je m’arrête donc et là une fille vient me parler en français. 
Sarah donc et son copain Carlos qui est espagnol, ainsi que Valentin un normand habitent non loin de là. Sarah me demande si j’ai un endroit pour ce soir et si je veux dormir chez eux ! Manque de bol ça me fait faire un détour de 50 km pour le lendemain. Mais Valentin lui habite à Namsos, à 30 km de là et pile sur ma route. On reste là sur le bord de la route à discuter pendant bien 45 minutes de tout et de rien, de la vie en Norvège, de mon voyage, de leurs activités ici….

Les élans...Je n'en ai pas vu un alors qu'il y en a plein les champs à priori...

Rendez-vous est donc pris chez Valentin. Autant dire que je mets mes dernières forces dans la bataille pour couvrir ces 30 derniers kilomètres.
La perspective d’une bonne douche mais surtout l’incroyable hasard de la rencontre imprévue encore une fois, totalement insoupçonnée 10 minutes plus tôt (et alors que mon esprit vagabondant y avait songé) me donne des ailes.
Ce soir je dors donc chez Valentin, 23 ans, originaire d’Alençon, animateur dans la vie et qui est à Namsos depuis Septembre dans le cadre d’un Service Volontaire Européen. On passe tous les deux une super soirée, parsemée d’anecdotes sur les colonies de vacances. Valentin fait aussi les saisons pour les classes de neige du côté d’Autrans. Noémie si ça se trouve tu l’as déjà vu ;)


samedi 25 mai 2013

Trondheim, Jour de repos

J34 

Au programme d'aujourd'hui une petite visite de la ville, lessive de toutes les affaires, un petit check-up de mon vélo dans une boutique comme on les aime, des tas de vélos partout, un vrai bordel organisé avec en fond un reportage en français sur le tour 1962 avec Anquetil et Poulidor !!





Aunde mon mécanicien, j'espère qu'il a fait du bon boulot !


Puis mise à jour du blog, repérage du parcours et de la météo pour la suite et pour finir un petit restau indien qui fait du bien.

Je repars donc en direction de Bodø par la route côtière 17, soit environ 750 kilomètres. Je pense qu'il va me falloir une semaine pour y arriver et ainsi embarquer pour les Lofoten. Le temps annoncé semble plutôt clément.
Quant à moi, je suis plein d'énergie, j'ai la forme et je suis toujours aussi motivé à atteindre mon objectif. Si tout se déroule comme jusqu'à présent ça devrait le faire.
Je compte sur vous, un commentaire me fait pédaler au moins 30 km plus facilement, c'est du bonus comme dans Mario Kart !

Je souhaite une bonne fête à toute les mamans et à la mienne en particulier.

Je souhaite également une super course ce week-end à Ludo sur la Maxi-Race (moins de 15h n'oublie pas, mais je ne voudrais pas te mettre une pression inutile ;) ainsi qu'à Vincent sur la Marathon Race (avec le plan que tu avais tu vas tout déchirer ! ) Amusez-vous à fond les gars, y'a intérêt que les cuisses chauffent à mort dans les descentes et en arrivant sur la plage d'Albigny, faudra encore sprinter pour les spectateurs présents !! Avec un peu de chance le t-shirt Finisher sera mieux que celui de l'an passé !

A très vite,
Ju

156 kilomètres, ça use, ça use....

J33 Jeudi 23 Mai 2013  Aukan - Trondheim   156 km / 500+

Ranger le bivouac quand c'est humide demande plus de temps, car il faut faire attention à ne pas mélanger le sec avec le mouillé, à bien tout compartimenter.....bref ça plus un arrêt yaourt/céréales, plus l'attente d'un ferry pendant 40 minutes sur une ligne pas très fréquentée font qu'à 12h45 mon compteur n'affichait que 25 petits kilomètres....et à 14h, je devais me poser dans un endroit tranquille avant de passer sur Le Mouv' (mais je ne savais pas l'heure exacte de mon passage, réécoutable ici à partir de 46'40, émission du 23 Mai ).

Donc à 15h, 45 kilomètres quand je remonte en selle...je crois que j'ai jamais fait aussi peu.....Or il se trouve que j'ai un contact que je ne connais pas encore sur Trondheim qui est d'accord pour m'héberger. Il s'agit d'Anne, une prof de yoga française, avec qui j'ai été mis en contact par l'intermédiaire d'un ami, Vincent.

J'estime qu'il y a un peu de distance à faire encore mais ne sais pas trop dire combien...au moins il y a de belles éclaircies...léger vent de dos....tout baigne jusqu'à ce que je vois ce panneau :


Ouh le vilain coup au moral que je viens de prendre....la prochaine fois promis je passe en fermant les yeux....je me lance dans des calculs d'estimation de vitesse et si je ne m'arrête pas je peux y être dans la soirée mais assez tard....les coups de pédales s'enchaînent et battent la mesure dans ce paysage assez monotone puisque la route suit toujours le même fjord sans une grande variété.

Ah ça monte.... pas beaucoup mais ça monte.
Ah y'a du vent.....pas beaucoup mais bizarrement je le sens sur le visage...

Bon allez, mode pilote automatique, les minutes s’égrènent, les kilomètres s'écoulent.....et je rencontre Erik, un Norvégien dans mes âges qui lui vient du Cap Nord et va jusqu'à Lindesnes le point le plus au sud. On s'échange quelques tuyaux sur l'itinéraire....il me dit qu'il était à skier à Chamonix en Mars !

Et là j'ai cru que jamais je n'allais voir le bout de cette étape.....heureusement que j'avais un but à Trondheim, et que je savais que je prendrai un jour de repos le lendemain. Sinon je me serai arrêté bien avant.

Au final c'est après 156km et vers 21h30 que je rencontre Anne à la gare de Trondheim, et je suis super bien accueilli ça fait toujours autant plaisir, et tout aussi bien
hébergé à l'intérieur de son centre de yoga, c'est parfait, je ne traîne pas beaucoup et m'endors très vite......

A-l’eau, non mais a-l’eau quoi, t’es en Norvège…


…et tu te plains parce qu’il pleut ! C’est comme si tu te plaignais de bronzer aux Baléares, non mais allô quoi !



J31 Mardi 21 Mai 2013    Geiranger - Molde 102km  /1200+

Cette journée n’aura rien eu de bien extraordinaire, temps gris tout le temps, un peu de pluie, encore pas mal de dénivelée pour s’extraire de Geiranger et basculer de l’autre côté et un final vers Molde sur une route à fort trafic, dans un épais brouillard, frôlé de près par mes amis les poids-lourds et l’impression d’être une bille de flipper quand survient le souffle d’air….
J’ai passé la nuit chez Robert, un contact Warmshower, et cela m’a permis de faire sécher la tente. On a parlé de ski, bien évidemment, mais pour changer de ski de rando en télémark, ils revenaient d’un gros we de 4 jours avec sa femme Berry. Elle n’était malheureusement pas là ce soir, retenue au travail…dommage car il se trouve qu’elle est physiothérapeute (kiné), on aurait sans doute eu des choses à se dire !

J32 Mercredi 22 Mai 2013    Molde - Aukan  110 km / 300+ 


Ce soir j’ai 70 ans, ou disons plutôt mes mains ont 70 ans. Comme quand on sort du bain. A la différence près qu’en sortant du bain on a une bonne serviette qui nous attend et il fait chaud.



En partant de Molde ce matin, les prévisions météo ne s’annonçaient pas bonnes, pour une fois elles étaient justes. Du coup j’ai sorti la tenue de combat avant même de partir. Veste + pantalon + couvre-chaussures Gore-tex, buff et casquette, capuche…..tel un combattant afghan je pars au combat contre la pluie en sachant pertinemment que j’ai perdu d’avance. On ne sait jamais, sur un malentendu…



Je m’éloigne un peu de l’itinéraire le plus direct pour prendre la direction de la route de l’Atlantique (Atlanterhesvegen), qui est une route touristique en bord de mer, qui joue à saute-moutons d’îles en îles avec un pont en virage assez impressionnant. Sur la route j’essaye de temps en temps de m’accorder des petites pauses dans les abribus. Mon œil de lynx aiguisé les repèrent de loin. Ils sont une halte salvatrice, un sanctuaire réconfortant, un refuge attendu.


 
Les meilleurs sont ceux en bois, assez profonds avec un banc bien large qui fait la longueur et aussi la largeur. Ainsi, selon le sens du vent et de la pluie, en prenant aussi en compte son frère jumeau de l’autre côté de la route il y a 6 possibilités de pouvoir s’abriter…..et donc très souvent dans le lot il y en a une qui convient. Je sais que la pluie ne s’arrêtera pas, mais ne pas entendre le clapotis des gouttes sur la membrane plastique de la capuche fait du bien. Et puis cela me permet de manger hé oui ! J’ingurgite des quantités assez impressionnantes de nourriture depuis quelques jours, mon organisme le réclame, mon métabolisme s’emballe…..je l’écoute et lui accorde.



Les drapeaux rouges au loin ne trompent pas, il y a un Rimi !! Rimi c’est une des marques de supermarché, qui comme beaucoup sont ouverts en semaine de 7h à 23 h non stop. J’en profite pour filer sur les tortillas, qui accompagnées de pseudo Nutella, de fromage ou de confiture s’avèreront un en-cas parfait comme d’habitude.
Et là en sortant je vois une petite table de jardin dans le hall avec un café et des biscuits, je me dis « eh ben ils vont même jusqu’à mettre des vrais pour donner envie d’acheter », et puis par acquis de conscience je demande au jeune vendeur. Il me dit « non non tu peux en prendre c’est gratuit, c’est un petit service offert au client ». Hallelujah !! Dégoulinant au milieu de ma flaque d’eau que la climatisation alimente, je m’offre un café bouillant moi qui n’en boit absolument jamais d’habitude. Et sans sucre en plus. Le vendeur me rejoint et on discute 10 minutes, bien sympa. 


1 cookie, 2 cookies, 3 cookies….hum ils n’ont pas pris la marque repère ils sont délicieux ! Avant de repartir, j’en prendrai encore quelques uns pour la route. Merci Rimi ;-)
Je finis par arriver sur la route de l’Atlantique et mis à part le premier pont je dois avouer que j’ai été un peu déçu,  je m’attendais à quelque chose de plus grandiose. Sur les photos en tout cas ça l’était.



Je passe les 3000 kilomètres un mois tout pile après être parti, le rythme n'est pas trop mal ;-)



Avant Kristiansund il y a un énorme tunnel sous la mer qui est complètement interdit aux vélos. On m'a dit qu'il était possible de prendre le bus mais vu comme je suis chargé j'en doute. 
Alors j'essaye de faire ce que je qualifierais de " stop qualitatif" qui consiste à faire du stop uniquement pour les camionnettes et les utilitaires ayant de la place pour moi et le vélo. 
Après une heure d'infructueux essais et ayant envie de garder mon pouce exempt de séquelles, je file en désespoir de cause voir le bus, qui contre toute attente m'accepte, à ma plus grande joie.

Après Kristiansund, trempé pour trempé, je continue malgré tout à rouler encore. Et maintenant que mes mains se sont "réchauffées" via une technique que je vais breveter à mon retour, je prends presque du plaisir à rouler sous la pluie, l'état d'esprit change, c'est après tout une situation que je ne maîtrise pas, il faut donc s'en accommoder et la gérer au mieux.



Je finis vers 18/19h par trouver un endroit pour la nuit sous un viaduc, mais les piquets sont très durs à planter sur le revêtement qui ressemble à du remblai ( j'avais volontairement oublié l'herbe, trop humide). La prochaine fois j'achète une tente autoportante c'est certain. Je bricole donc un système avec des élastiques et des grosses pierres pour remplacer les sardines. Je me dépêche à tout rentrer à l'abri, je me change rapidement et mets les pâtes à cuire.



Enfin le temps de se poser un peu et de réfléchir à cette journée. A bien y réfléchir je suis bien ici. J'ai ma gamelle de pâtes qui me réchauffe les cuisses, la buée du réchaud qui fait hammam, des petits gâteaux qui m'attendent et un bon livre pas loin. Je n'ai besoin de rien de plus. Certes demain il faudra repartir avec les affaires trempées, ranger tout dans l'humidité....mais laissons ça de côté pour le moment.

Dans une récente interview, à la question d'un journaliste qui était :

 " Faire de la montagne c'est se confronter à la nature, c'est une chose importante aujourd'hui, c'est une chose qui a encore sa place à l'heure où l' on fait du virtuel à tout va, où il est plus facile de jouer avec une console qu'avec la réalité ? "

 L'alpiniste Christophe Dumarest que j'apprécie beaucoup répondait en ces mots :

" Souvent les gens me disent, qu'est ce que ça doit être inconfortable un bivouac dans une face, avec le froid et tout ça, et pour moi finalement c'est peut-être là que se situe le confort car il y a une obligation d'être dans l'ici et maintenant, de vivre le présent et d'être quasiment obligé d'être là. Et ça pour moi c'est assez confortable en fait, en même temps à travers l'effort physique et la prise de risques parfois ça oblige à expérimenter l'instant et c'est vrai qu'aujourd'hui c'est une notion de plus en plus difficile car on est dans hier, on est dans demain, on est dans des mails, on est dans des messages,  on est dans plein de choses immatérielles qui ne servent pas forcément à un ancrage. Et c'est vrai que la montagne ramène à une forme de réalité, alors je ne sais pas si c'est LA réalité mais en tout cas une tempête, le granit, la glace, le froid, ce sont des choses bien réelles qui lavent l'individu qui lui font du bien, et en tout cas moi qui me ressourcent. "

Je ne peux qu'approuver son sentiment et je trouve qu'il y a une sorte de confort dans l'inconfort qui peut s'avérer délicieux si on sait l'apprécier. 
Sortir de sa zone de confort justement, c'est quelque chose auquel nous ne sommes plus habitués dans notre société actuelle. 
On la cherche mais peut-être qu'elle est plus néfaste qu'autre chose. Elle nous empêche de faire de nouvelles expériences, développe de fausses peurs, inhibe la spontanéité, limite la curiosité et finalement nous freine à explorer nos supposées limites, donc notre épanouissement et notre liberté.

Mais en sortir n'est pas facile car elle oblige à accepter l'éventualité d'un échec, puisque nous sommes confrontés à de nouvelles situations que nous ne maîtrisons pas, ou pas encore. Or il y a une part d'orgueil je pense en chacun de nous qui nous pousse à tout faire pour repousser cet échec, à éviter les situations difficiles, à rester dans le contrôle de notre petit environnement connu. 
On a le sentiment de devoir se remettre en question, de se retrouver face à un vide, de porter un regard sur nous-même...et ça peut faire peur !
En contrepartie, arriver épisodiquement à outrepasser cette barrière renforce la confiance en soi, stimule la créativité, développe des savoir-faire et des savoir-être et permet d'ouvrir son horizon.


N'apprenons-nous pas plus de nos échecs que de nos réussites ?

Que vaut-il mieux ? Prendre le risque d'échouer en ayant essayé ou bien rester dans une attitude d'attente passive ?
En d'autres termes, c'est une façon de voir les choses. 
Soit être acteur de ce qui nous arrive, avoir une attitude pro-active en ayant le choix de ses actions sans s'en remettre à une quelconque divinité extérieure, ou bien s'en remettre au cosmos et  à l'horoscope en espérant être né sous une bonne étoile.....

Sur ces quelques pensées, je vais dormir, cette fois la pluie est avec moi elle me berce. Qui a dit que le vélo ne développait que les jambes ? En tout cas cette journée aura été capitale, comme un tournant et je pense avoir évité le mur, youpi ;-)

Douce nuit.
Ju